Le web
serait-il (lui aussi !) un héritier de 68 ? Révolution, idéal de liberté et de créativité,
réseaux communautaires, transgression… Le vocabulaire utilisé pour parler
d'Internet s'apparente bien souvent à celui de 68. Peut-on pousser plus
loin la comparaison ?
On
l'admet, la question peut paraître un brin tirée par les cheveux. Un parallèle
un peu facile en ces temps de commémorite aigüe. Pourtant, selon les dires même
d'un acteur de la toile, Versac, c’est en
soi une "question rhétorique et conceptuelle tout à fait
soixante-huitarde ». A ce
titre, elle méritait d'être approfondie. Les héritiers sont donc partis à la
rencontre de – quelques- acteurs de la toile pour enquêter sur un sujet qui en
a inspiré plus d’un...
Quelques
entretiens et pas mal de cafés plus tard, nous vous livrons nos premiers
résultats. Soyons
collaboratifs ! L’intérêt principal de cette enquête réside dans vos
réactions. Amis du Web et de 68, nous vous encourageons donc plus que jamais à
réagir pour enrichir ce passionnant débat.
Libération de toutes les formes d’expression : Mai 68,
Internet, même combat ?
Le web, « lieu de la démocratie
totale où tous les discours sont possibles » selon les mots d’Alain
Finkelkraut, permet aussi à toutes les sensibilités de coexister. Culture,
politique, art, sexe… Pas besoin d’avoir un message ou du talent pour
s’exprimer.
« J’ai envie d’écrire mais je
ne sais pas quoi »
En 68, la parole jusque là
confisquée se libère en fanfare. Sur les murs de Paris, on exige, on
revendique, on décrète… Bref, on s’exprime. « Je ne sais quoi écrire mais
je voudrais en dire de belles », confesse un anonyme de Mai. Qu’importe,
semble lui répondre un autre : « être libre en 68, c’est participer ».
Prémisses du forum ? Les rajouts, les réponses, les
ratures instituent un dialogue.
Quarante ans après Mai 68, le net
permet d’assouvir un besoin d’expression qui n’a pas faibli. « La
philosophie des pionniers du web est celle d'une liberté d'expression sans
limites », rappelle Versac. Sur le Web aussi, il est « interdit
d’interdire ».
Et c’est le blog qui fait office de
mur. Avec 5 à 6 millions de journaux
personnels, la France détient le record européen, et presque mondial
puisqu’elle se place au 2ème rang, derrière les Etats-Unis. Journaux
intimes d’adolescents pour la plupart -les fameux Skyblogs notamment - les blogs
sont aussi un média à part entière quand ils revendiquent une certaine rigueur,
bien qu’éloignée des canons du journalisme.
Les responsables politiques, les
journalistes, les chefs d’entreprise, les militants, les témoins d’un jour ou les
contestataires de tous ordres utilisent le web comme moyen de contourner les
circuits officiels.
Car la méfiance vis-à-vis des médias traditionnels n’est
pas l’apanage des soixante-huitards d’hier.
1968/2008... et le même refus des hiérarchies
Pour Alain Finkelkraut, Internet permet
de se « détourner des informations
qui brutalisent vos convictions, et d’aller partager vos certitudes avec ceux
dont vous serez persuadés qu’ils pensent comme vous ». La possibilité
de choisir l’info donc, mais aussi de la
faire.
C’est l’apparition du fameux
« journaliste citoyen », consacré par le site AgoraVox en France. Désormais armé des mêmes outils que le journaliste classique (caméra,
appareil photo, ordinateur…), Internet offre au citoyen en mal de
représentativité une tribune mondiale. Pour Carlo Revelli, cofondateur
d’AgoraVox, si «le phénomène sociologique
de méfiance des médias et l’envie d’être acteur de l’information sont communs à
68 », ce sont « les
avancées technologiques [qui] ont apporté les moyens de développer une vision
« bottom-up » ( par opposition à la vision « top-down » ndlr)
de l’information ».
Traduction : la légitimité de
l’information « tombée d’en haut » est sérieusement remise en cause
par celle qui émane de la base. La grand-messe du 20 heures a perdu
de son caractère sacré.
Philippe Cohen analyse ce qu’il
appelle le phénomène de « transversalité »
comme un « refus illusoire des hiérarchies ». Illusoire, car, « la hiérarchie correspond à quelque chose d’anthropologiquement
indépassable ». Et dangereux, car si en 68 «l’utopie » a duré « trois semaines »,
Internet « prétend être structuré, stable et permanent ».
boomp3.com
Pour certains journalistes, comme
Pierre Haski, l’horizontalité induite par Internet est au contraire une
opportunité en ce qu’elle permet de « renouer
une relation de confiance entre le journaliste et ses lecteurs». A
condition de ne pas faire d’erreur dans la définition du concept de journaliste
citoyen: «lui n’enquête pas, ne recoupe
pas ses sources : il donne de l’information brute, il témoigne sur ce dont
il a connaissance».
Blogueur, journaliste, le webard est
aussi un potentiel artiste...
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