Il ne manifeste pas, ne distribue pas de tracts, ne lance pas de pavés... Sa révolution c'est tous les jours qu'il la fait... dans son assiette ! Pierrick Goujon est un freegan. Les adeptes de ce mouvement, venu tout droit des Etats-Unis, se nourrissent exclusivement de ce qu'ils trouvent dans les poubelles des particuliers et de la grande distribution. Pour dénoncer le gaspillage pérpetuel de la société de consommation, les freegans ont choisi de vivre en "passager clandestin" en mangeant ce que les autres ne veulent plus et qui atterrit dans nos poubelles.
Depuis 7 ans, le chef de file du mouvement français se lève à 4 heures du matin trois fois par semaine pour faire le tour des poubelles d' Aix en Provence avant les éboueurs. Avec sa lampe frontale pour seul équipement, il "plonge" tête la première dans les larges bennes du supermarché du coin. Carottes pourries, viande périmée, pots de yaourts éclatés, Pierrik est loin d'être rebuté par les odeurs nauséabondes. Le sourire aux lèvres, il part à la chasse aux trésors en utilisant son odorat comme "détecteur d'aliment potentiellement ingérable". "Pour se lever à 4h du matin, il faut être un battant. Il y a beaucoup de personnes qui n’ont pas ce courage. Ils attendent qu’on leur remplisse le frigo et c'est tout", affirme le jeune homme.
Difficile de définir "l' idéologie" défendue par Pierrick. En vrai représentant de sa génération, le jeune homme affirme "ne pas faire dans la politique" et prèfère rester dans son univers personnel, curieux mélange de culture punk, de conscience écologique et de réminescences anarchistes. A 25 ans, Pierrick est loin de se considérer comme un héritier de 68, période qu’il connaît d'ailleurs assez mal. Pourtant, comme les anciens de mai, le jeune homme prône le partage et la solidarité. Après les «récoltes » fructueuses, il effectue souvent des tournées de redistribution auprès des SDF d’Aix en Provence et de ses amis des Beaux Arts qui ont du mal à boucler les fins de mois.
Adepte de la vie en communauté, Pierrick a longtemps vécu dans des squats. Aujourd’hui, il navigue entre les canapés de ses « potes » et l’arrière de sa camionnette couverte de graffiti. Le Larzac et la nature, ce n’est pas trop son « truc » car il ne pourrait pas se passer de la ville et de ses poubelles bien remplies. Sa "philosophie", c'est aussi de profiter du temps libéré par le fait de ne pas avoir à travailler.
Loin d'être utopiste, le jeune homme reconnaît que le freeganisme ne va pas révolutionner la société. "Tout le monde ne peut pas vivre comme ça", affirme-t-il. Pourtant, Pierrick a monté son site internet pour diffuser l'idéal freegan et gère d'une main de maître la communication avec les médias. " La société m'a corrompu", s'exclame-t-il en rigolant, "je suis presque devenu un businessman".
Sidonie Ebrevouma
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