Thierry Girard avait presque 17 ans à cette époque. Il est artiste photographe aujourd'hui.
Mai 68, je l’ai vécu à la radio. Tous les soirs le même rituel. J’éteignais la lumière, je me couchais dans mon lit et j’écoutais Europe 1 en direct.Pour suivre les événements, les nuits de barricades, mais aussi les discussions et les prises de parole sans fin. Jusqu’à m’endormir.
La journée, je n'allais pas à Paris. La grève certes, mais mes parents ne l’auraient de toute façon jamais autorisé. J’étais en première au lycée Hoche à Versailles. Famille bourgeoise. Avec mon père, farouchement contre tous les émeutiers, nous nous disputions systématiquement à table. Moi, le côté ouvrier et communiste ne m’intéressait pas du tout. Je me sentais surtout solidaire du mouvement étudiant. Dany le Rouge fascinait. Je me sentais de gauche tout en étant éloigné de la doxa marxiste. J'étais plutôt du côté "libertaire".
Les cours étaient arrêtés. L’après-midi, je jouais au tennis. Le matin, au lycée, il y avait des AG. Débats interminables. Je n’ai pris qu’une fois la parole. Pour parler des Etats-Unis et de la guerre du Vietnam. Je ne soutenais pas particulièrement le Viêt-cong mais j’avais l’impression qu’avec la manière dont les Etats-Unis faisaient la guerre, ils “trahissaient” mon rêve américain. A l’époque mes influences littéraires, politiques et musicales venaient surtout de l’autre côte de l’Atlantique. Kerouac, le mouvement hippie, la Beat generation, John Mayall, Bob Dylan, Léonard Cohen...
Et puis, en avril 68, avait été assassiné Martin Luther King. En juin, le 6, je me souviens de ce jour, ce fut au tour de Bob Kennedy. Une semaine après le sursaut gaulliste. Ce sont des événements majeurs
dans une forme de désenchantement du monde au cœur de l'adolescence.
Blanche Dinnedoti
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