En mai 68, les jeunes n’étaient pas tous sur les barricades dans le quartier latin. Jean Bony, 19 ans en 1968, était apprenti à la SNCF à Villeneuve-Triage. Donc un ouvrier.
Photo: Philippe Calia
"Je n'étais pas syndiqué mais la CGT nous amenaient tous manifester en bus à Paris juste pour l’après-midi. On repartait après."
"Les affrontements, c'était la nuit, entre les CRS et les étudiants, un autre monde", même s’ils avaient le même âge. Il écoutait sur Europe 1 le récit des évènements.
Pas étonnant que pour lui mai 68 reste synonyme "d’augmentations de salaires et de quatrième semaine de vacances". La libération sexuelle n’était pas pour les ouvriers d’alors.
Il se rappelle que des étudiants essayaient de se glisser dans les manifs ouvrières. Mais les ouvriers refusaient, de crainte "que les étudiants cassent leur outil de travail".
Photo: Philippe Calia
Aujourd’hui, Jean a 59 ans. Il a quitté la SNCF à 21 ans pour faire de la photo. Il est chômeur depuis un an, dans l’attente de toucher sa retraite, "sans espoir de retrouver du travail".
Mai 68 a pour lui fait partie de son éducation sociale et politique. Mais il porte un regard critique sur cette période, qui n’a pas été "bénéfique à 100%". Il se souvient que Pompidou avait dit lors des négociations de Grenelle "qu’un jour, tous ces avantages, on les paierait". Il a parfois l’impression que c’était vrai. Etre au chômage est dégradant.
Quand il voit les caissières faire grève au Carrefour de Marseille, alors qu’elle ont parfois un bac+4, il n’en veut pas aux jeunes d’aujourd’hui de ne pas faire la révolution pour des idéaux ou de ne pas savoir ce qu'est "mai 68". Il ne reste plus grand chose de ces contestations ouvrières dans la société d'aujourd'hui, si ce n'est les avantages sociaux acquis. "Maintenant quand Marie-Georges Buffet s’exprime, plus personne l’écoute, pas comme Jacques Duclos".
Jean, sans être communiste, est resté à gauche. Son fils de 18 ans a repris le flambeau de la contestation. Il participe régulièrement aux actions pour le droit au logement.
Heddi Rustuck
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