Dans le milieu journalistique, un homme se détache: Daniel Mermet et son émission "là bas si j'y suis" diffusée sur France Inter à 15h. Commémoration oblige lui aussi revient sur mai 68 dans son émission du mardi 13 mai avec le regard décalé et ouvertement gauchiste qu'on lui connaît.
Les invités sont François Cusset (normalien et sociologue méconnu) et Daniel Bensaid, (normalien et trotskyste bien connu), auteurs de respectivement Contre discours de Mai (Actes Sud) et Mai 68, fins et suites (Nouvelles éditions Lignes).
Au cours de l'émission, les trois hommes reviennent sur quatre décennies de commémoration de mai 68 et sur ce que cela nous apprend de la France des années 78, 88, 98 et 2008. Entre nostalgie, frustration, envie et colère, les sentiments que les Français appliquent à mai 68 semblent très dépendants de leur propre état d'esprit. Un vrai regard éclairant sur les dessous du commémorationnisme et ce qu'il révèle de la société. C'est au final un portrait de l'évolution de la France depuis 40 ans que nous dresse Daniel Mermet à travers l'image de mai 68.
Bien sûr Bernard-Henri Lévy en prend pour son grade (et son décolleté) ainsi que tous les représentants traditionnels du mouvement de mai 68. Chose intéressante, on parle enfin dans cette émission du mai 68 ouvrier trop souvent oublié par les autres médias (même par le très bon blog l'héritage de mai 68). Il apparaît que la crise de représentativité des syndicats posait déjà problème à l'époque (à ce propos les anecdotes de Daniel Bensaïd sur les relations sur le terrain entre CGT et LCR sont particulièrement croustillantes) et que les accords de Grenelle semblent bien faibles au vu de l'ampleur du mouvement. Comme lors des mouvements sociaux récents, la base semble plus forte que leurs représentants et surtout en complet décalage avec eux.
Enfin les deux invités voient dans les récents mouvements sociaux (CPE, retraites, mouvements lycéens, mouvements des banlieues) le même désir révolutionnaire qu'en 68. Une génération aussi active que celle de 68 est peut-être en train de prendre la place de leurs aînés béats ou aigris.
Le parallèle entre les mouvements des banlieues et de mai 68 reste l'un des plus pertinents et des moins traités actuellement (sauf en ce qui concerne le dernier clip de Justice). Dans les deux cas, le mouvement concerne une minorité qui n'a pas le droit à la parole, qui ne se reconnaît pas dans les organes de représentations démocratiques habituels et qui comporte une frange violente.
Retrouvez l'ensemble de l'émission sur le site de France inter ou sur ce site pirate.
Yul Grejes
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