Après une année 2007 couronnée d'un succès international, le duo français de musique électronique Justice refait parler de lui. Depuis le 1er mai, le groupe diffuse sur Internet exclusivement son nouveau clip, "Stress". Un clip dur, coup de poing et qui buzze : mille commentaires ont été déposés en une semaine avant que Dailymotion, où le clip a été mis en ligne, ne désactive la possibilité de le faire. Bien, et le rapport avec mai 68 dans tout ça ? Regardons d'abord le clip, on en reparle après...
A l'image, une bande de jeunes encapuchonnés, blousons noirs à l'effigie du groupe, sortent de leur quartier gris pour semer la terreur à Paris à grands coups de latte et de matraque. Un caméraman les suit, un preneur de son aussi. La caméra s'enraye même une fois pour nous le rappeler. On braque une vieille, on tabasse un jeune, on démolit un bar, on se fait courser par les flics, le tout sur une musique hypnotique. Finalement c'est une voiture que l'on vole façon GTA avant d'y mettre le feu ainsi qu'au preneur de son au passage. Le caméraman finit par se faire prendre à partie, cracher dessus puis assommer avec une bouteille en verre. "Ca te fait kiffer de filmer ça, fils de pute ?". Fin de l'histoire.
Le clip est violent ? Oui, de la violence brute, nihiliste, qui s'attaque à tout. De la violence qui choque, qui nous ramène aux skins des années 80, aux Warriors des 70's jusqu'aux pavés de 68, quand aujourd'hui on se regroupe pour danser la tecktonik. Un pavé dans la gueule, en somme. Le clip est raciste parce qu'il montre une bande de jeunes sans blancs ? Nouveau pavé dans la gueule d'un conformisme qui a poussé, depuis des décennies maintenant, à mettre des quotas raciaux dans tous les films hollywoodiens (même si le noir n'est jamais celui qui survit jusqu'au bout) ou d'une discrimination dite positive mais qui n'en reste pas moins une.
Le clip de Justice n'oublie personne : le bourgeois catho-tradi sera autant choqué que l'étudiant gauchiste, la mère au foyer ou le jeune cadre dynamique. Choquer, éloge du nihilisme, nous voilà revenus au temps des situationnistes, de leur critique radicale de la société du spectacle comme elle est effectuée dans ce clip -"Ca te fait kiffer de filmer ça, fils de pute ?"- jusqu'à l'autodérision quand les jeunes défoncent l'autoradio qui diffuse D.A.N.C.E., le premier tube du groupe. En somme, ce n'est nullement dans le délire commémoratif ambiant mais peut-être bien dans le dernier clip de Justice que se trouve l'héritage de mai 68.
Arthur Cembrese
Important débat visible ici :
http://www.fubiz.net/blog/index.php?2008/05/01/1579-justice-stress
Rédigé par : Ae | 08 mai 2008 à 22:51
"Choquer, éloge du nihilisme"?
Le nihilisme, n'est-ce pas plutôt affirmer que tout se vaut ? Sauf à dire que tout se vaut revient à proclamer la suprématie du rien...
Rédigé par : Friedrich | 11 mai 2008 à 15:09
Dire que tout se vaut ou qu'il n'y a aucune valeur c'est assez similaire puisque la valeur se définit justement en négatif par rapport à des concepts/pratiques qui sont dénués de valeur. S'il n'y a plus de négatif envers lequel se définir (i.e. "tout se vaut"), alors il n'y a plus de valeur. D'où le nihilisme.
Rédigé par : Arthur Cembrese | 13 mai 2008 à 00:52
Mais la volonté de choquer suppose qu'il existe des valeurs à partir desquelles on émet un jugement, non ?
Il me semble que l'indifférence est l'attitude la plus nihiliste qui soit. Et rien n'est plus éloigné de l'indifférence que la volonté de choquer.
Rédigé par : Friedrich | 13 mai 2008 à 18:48
1 million de passage sur le site de Justice: pas de promo donc !
Le groupe dit qu'il voulait faire un clip pas diffusable à la TV, avec un thème pas diffusable à la radio: mission accomplie !
Rédigé par : François | 14 mai 2008 à 09:58
Ne peut on pas se demander si justice ne veut pas présenter la réalité de notre époque en contournant la censure médiatique actuelle?
Rédigé par : alex | 16 mai 2008 à 11:07
Je ne crois pas que le clip de Justice montre "la réalité de notre monde", ne serait-ce que parce que ce qu'il donne à voir est une vision très esthétisée d'un phénomène qui tient plus de l'ordre du fantasme que d'une réalité avérée.
C'est justement plus le rapport à l'image (réalité/fantasme, sensationnel/vérité ?) qui est au coeur de ce clip.
Rédigé par : Arthur Cembrese | 16 mai 2008 à 11:29