Présentés
comme des nantis égoïstes, les "soixante-huitards" sont loin d'avoir
tous connu la réussite des leaders parisiens du mouvement, certains ayant eu du
mal à redescendre sur terre tandis que d'autres se sont tenus à distance des
vrais postes de pouvoir, soulignent divers experts.
Une toute petite minorité, centrée sur le Quartier latin, a
généralement été mise en avant, déclare Michelle Zancarini, professeur
d'histoire contemporaine à l'université de Lyon I. Mais derrière, il y a eu
"une vraie expérience sociale" pour des personnes qui ont été
exposées à l'événement, souligne-t-elle. Elles se sont souvent tournées vers
des métiers sociaux ou de transmission comme l'enseignement, ajoute-t-elle.
"Certains n'ont pas pu se réadapter" au monde
réel: il y a eu des suicides, des accidents violents, la drogue,
rappelle-t-elle.
"Pour nombre de militants de cette génération, les
lendemains se sont révélés très sombres, parfois dramatiques. On a souffert
d'une casse humaine très importante", relève Patrick Rotman, étudiant à la
Sorbonne en 1968.
"Il est faux de dire que les soixante-huitards occupent
les bons postes. Ce sont toujours les dix mêmes noms qui reviennent. Mais il
n'y a aucun grand patron, aucun financier, peu de dirigeants politiques"
mis à part Bernard Kouchner.
En
revanche, les soixante-huitards ont investi le domaine culturel, les métiers de
l'édition, de la presse, du cinéma et des médias. "Ils se sont emparés des
bastions du pouvoir intellectuel", reconnaît Rotman. "Mais même là,
ils n'occupent pas des postes de direction" à de rares exceptions (Serge
July qui a porté l'aventure de Libération, Edwy Plenel qui a été un temps
directeur de la rédaction du Monde).
Erik Neveu, professeur à l'Institut
d'Etudes Politiques de Rennes, a mené une étude sur "les trajectoires de
soixante-huitards ordinaires". Il s'est penché sur les militants
"gauchistes" de Bretagne dans les années 60 et 70 : moins de 10% des
personnes dont il a retrouvé la trace ont des engagements politiques
comparables (LCR…) à ceux de l'époque.
Sur le plan professionnel, une majorité -environ 60%- des
anciens militants étudiés ont choisi la fonction publique (éducation nationale,
collectivités locales, administrations, poste). D'autres ont investi le
"tiers secteur" (économie solidaire, mutuelles). Ils sont peu
nombreux dans le privé et dans ce cas occupent souvent une profession liée aux
médias. L'étude publiée dans l'ouvrage "Mai Juin 68" (Editions de
l'Atelier) relève "la relative modestie des réussites sociales" des
soixante-huitards, contrairement à la "mythologie en vigueur".
Cette génération, proche de la retraite, n'a pourtant pas
envie de lâcher prise. "Ce sont des gens actifs, impliqués, engagés. Mai
68 n'a pas fait des fumistes", estime Michelle Zancarini.
Ce soir où jamais sur France 3
Invités : Serge July, André Glucksmann, Romain Bouteille, Armistead
Maupin, Jean Louis Gaillard, Georges Wolinski, Luis Rego et Valérie
Lagrange.
09 avril 2008
par Blanche Dinnedoti (avec AFP)
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