« Contestation. Mais con d'abord »
Contester. Oui, mais quoi ?
Prendre position
pour une cause, se révolter contre l’ordre établi, dénoncer, se rebeller,
autant d’attitudes prônées en mai 68 et qui s’affichent aujourd’hui allègrement
sur le web. Si les idéaux politiques de mai (anarchisme, communisme) se sont
faits rares, les internautes continuent de contester et de se battre pour des
causes qui grâce au web prennent subitement une ampleur mondiale. Protester
chacun dans son coin, distribuer des tracts, des actes qui s’apparentent à la
préhistoire pour les militants du web.
Blogs spécialisés, signature de pétition
« online » vite oubliée, chaîne d’e-mails engagés, des moyens de
communication à grande échelle qui
permettent de toucher de plus en plus d’internautes. Si les jeunes sont moins intéressés
par les partis politiques, ils sont de plus en plus prompts à s’engager sur le
web et à afficher leurs « combats.
Preuve de cette « mode » de l’engagement, Facebook a récemment mis en place une application « Causes » permettant à chaque membre de rejoindre un groupe (Barack Obama for President, Save Darfur...). Utilisée par 1782 000 personnes, cette application permet d'afficher publiquement les causes que vous soutenez, le nombre de personne que vous avez recrutées, ainsi que les dons que vous avez faits.
Internet, c’est aussi un peu « David contre
Goliath ». Les « mensonges » et scandales politiques
sont enfin éclaircis par les petits blogueurs. Souvent récupéré par les
machines de guerre des partis politiques, on peut notamment observer ce
phénomène de l’autre côté de l’Atlantique (vidéo du Pasteur Wright sur You
Tube). Mise en avant d’un culte de la transparence. Plus d’erreurs
possibles pour les hommes politiques ou même les journalistes sans cesse mis
face à leur responsabilité. Guy Birenbaum sur son blog a ainsi dénoncé le
sondage bidouillé en Une du Figaro qui annonçait que 58% des Français
trouvaient que Nicolas Sarkozy avait changé en bien. Un zorro de la toile notamment salué par Ségolène Royal qui a pour l’occasion
d’effectuer une piqûre de rappel à ses troupes « Aujourd’hui le web a démontré grâce à sa réactivité, son rôle
de vigie citoyenne »… Si c’est elle qui le dit !
Difficile pour une cause noyée parmi les autres d’émerger par le web. Une abondance qui peut parfois pousser à la passivité voir au ras-le-bol médiatique. Pour le blogueur Guy Birenbaum, « Internet c’est comme partout, il y a à boire et à manger comme en 68, des fascistes, des arrivistes et des trucs géniaux mais cette abondance m’ennuie ».
D’ailleurs tout le monde a accès à Internet et peut s’en servir pour diffuser un message. Certes, le web donne la parole aux Tibétains qui dénoncent la répression chinoise mais il offre également une fenêtre à cette même propagande qui se diffuse au cœur de la diaspora.
Si le site qualifie la chaîne américaine CNN de "leader
mondial des menteurs", il veut aussi mettre au jour les erreurs d'autres
médias, allemands, britanniques ou français.
L'ambition de jeunes blogueurs, qui n'hésitent pas à signer
de leur nom sur "3arabawy" ou "egyptianchronicles" et qui
se veulent des interfaces entre la société civile et un mouvement ouvrier en
plein réveil dans l'industrie textile est également mise à mal par leurs
incapacités à toujours donné une lecture correcte de l’événement. Confrontés
aux violents incidents qui ont éclaté dimanche entre forces de sécurité et
manifestants dans la cité industrielle de Mahalla (delta), siège d'un grand
complexe d'Etat de filature et de tissage, les sites et réseaux comme Twitter,
ont livré avec actualisations rapides, sinon vérifications, des
"nouvelles" sur le seul point chaud de cette journée de "colère
populaire". Des images ont été diffusées sur YouTube.Parmi des témoignages
vraisemblables, l'annonce --inexacte-- de deux morts a aussi été reprise
dimanche soir de blog en blog.A l'heure du bilan, les commentaires étaient contrastés,
le ministère de l'Intérieur évoquant "l'échec des professionnels de la
provocation et des courants illégaux". Rumeurs, fausses informations,
amplification, autant de dérives rendant peu crédibles les blogueurs.
D’ailleurs pour Mohamed Kamel al-Sayyed, politologue égyptien réputé, l'appel à
la grève a eu peu d'échos car « les jeunes qui l'ont lancé n'ont ni
expérience, ni relais, ni assise populaire". Face à cet échec relatif,
un retour aux techniques plus traditionnelles de contestation se laisse
entrevoir.
Sur Facebook, Osama Mohamed Refaat écrit ainsi qu’"Il
faut informer ceux qui n'ont ni internet ni portable de la grève", tandis
qu’"Ana Masri" (pseudonyme qui veut dire en arabe "Je suis un
Egyptien") demande aux internautes de ne pas oublier de "prendre des
fleurs à tendre aux policiers!".
Contestation
de l’ordre familial
Comme 68 a marqué une révolution de la relation entre enfants et parents, Internet fomente une révolution des rapports familiaux.
« Comme 68 a permis aux jeunes de dire merde à leurs parents, le rapport des adolescents à la famille éclate avec la génération des web-natives collés à MSN et Skyblogs. L'ado prolonge ses pratiques sociales en bloguant, avec sa webcam, par msn. Il est là à la maison. Pas besoin de faire le mur. Il n'y a plus de murs" affirme ainsi Versac. Les "potes" jusque là relégués à l'extérieur du domicile familial font irruption dans la chambre de l'adolescent qui peut chatter et rester en lien avec sa bande même lorsque ses parents refusent de le laisser sortir traîner... « Out », la génération des non-natifs de l’ère digitale n’y comprend plus rien. Le « gap » générationnel est profond. D’ailleurs, ce conflit des générations entre « non-natifs » et accros du web est perceptible à tous les niveaux. Dans le monde des médias par exemple avec des rédactions web des grands quotidiens en conflit parfois ouvert avec la rédaction papier. Le nouveau « choc » des générations passera-t-il par le web ?
Si ce n'est déjà fait, lisez l'épisode 1 et l'épisode 2 de notre grande enquête: le web est-il soixante-huitard ?
Sidonie Ebrevouma
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