Communauté, partage, gratuité : Internet est-il hippie ?
Internet ou
l'utopie communautaire
Bande, groupe, communauté, réseaux... Internet, c’est la construction d’une communauté sans les inconvénients matériels des potes qui squattent le canapé et dévalisent le frigo. Chacun chez soi, mais en communication perpétuelle… Loin de partir vivre dans le Larzac, les internautes vissés derrière leurs écrans s’amusent à créer une grande communauté. Sites de socialisation comme Facebook, Myspace, LinkedIn, forums, autant d'outils qui permettent aux Frères du web d'échanger et d'interagir. Langage mystérieux: protocole, widget, flux RSS, Netvibes… Autant de codes qui éloignent les non-initiés et soudent les membres de cette communauté particulière.
Etats-Unis, France, Allemagne, Mexique, République Tchèque, au printemps 68 des mouvements éclatent de manière simultanée dans différents pays. Mais il est difficile de communiquer et ces foyers de contestation n’ont pas vraiment les moyens de s’organiser et d’échanger. Aujourd’hui, Internet permet à tous les adeptes d’idées nouvelles de se retrouver sur la toile et de faire fi des distances pour laisser place à une communauté mondiale d'internautes.
S’il n’y a plus de fromages de chèvres à fabriquer, il est de nouveau temps de faire preuve de créativité. Logiciels à inventer, sites à créer, réseaux à construire, le web stimule l’innovation et lance des appels à contribution. A l’heure de la société de consommation intempestive, le web fait l’éloge de la gratuité, du partage. Sur Internet 1+1=3, ce qui équivaut à dire que la somme des contributions dépasse la mise initiale ou que « la communauté se renforce des contributions de chacun de ses membres ». Un véritable mantra qui pourrait préfigurer un nouvel idéal hippie.
Autogestion, intelligence collective, l’utopie du « tout est possible en
unissant nos forces », autant d’idées en vogue en 68 qui
semblent (enfin !) ressuscitées par le web.
Exemple
du genre : Wikipédia. L’idée est simple. Il s’agit de mettre en commun tous
les savoirs dont nous sommes titulaires pour permettre que tout le monde y ait
accès gratuitement. Contrairement aux encyclopédies (payantes) régies par des
choix éditoriaux qui déterminent la valeur d’une information et son utilité pour le lecteur, toutes les connaissances trouvent leur place sur Wikipédia. Un savoir illimité dans tous les domaines
accessible à titre gratuit. En dépit des critiques souvent faites au site,
voilà ce qu’on peut appeler une révolution !
Pour le fondateur de Rue 89, Pierre Haski, « l’aspect
collaboratif des sites d’information permet une amélioration de la qualité des
débats ». Imprégné par l’esprit idéologique « vaguement
soixante-huitard »,Rue 89 a choisi d’« adhérer à la culture de gratuité et de partage »
du web. Le site utilise DRUPAL, un logiciel développé par un ingénieur belge
afin de permettre à chacun des utilisateurs d’apporter sa contribution pour
améliorer le logiciel.
Même mantra, autre réalisation, le navigateur web graphique gratuit au code source libre,
Mozilla Firefox. Précédemment appelé Phoenix puis Mozilla Firebird,
ce logiciel est l’un des fleurons du phénomène du « logiciel libre ».
Son succès est fulgurant : le 19 octobre
2005, moins d’un an après
sa sortie officielle, le nombre de téléchargements avait atteint 100 millions,
jusqu’à atteindre un demi-milliard en février
2008. Si le nombre de
téléchargements ne reflète pas le nombre réel d'utilisateurs du logiciel, il
est ainsi devenu le principal concurrent d’Internet
Explorer, le navigateur web de Microsoft.
La théorie du logiciel libre est simple : les
développeurs de logiciel laissent en libre accès les codes
sources, c'est-à-dire l'architecture de leurs créations. Chacun a le droit d'utiliser,
d'étudier, de modifier, de dupliquer, de donner et de vendre ledit logiciel. N’importe qui
peut améliorer l’outil en fonction de ses propres besoins et des bugs
rencontrés. Ce mode de développement de l’informatique a été formalisé par
Richard Stallman dans les années 80 en s’inspirant des habitudes universitaires
des années 60. A
cette époque (avant l’ère de l’individualisme acharné), chercheurs et
développeurs partageaient tous leurs travaux et leurs résultats. Il aura
d’ailleurs fallu attendre les années 70 et la lettre
ouverte aux hobbyistes de Bill Gates pour voir arriver la notion de
droit d’auteur en informatique. Depuis lors, deux visions du monde s’affrontent
à la pointe de l’informatique : « logiciels propriétaires » contre « logiciels libres », le mercantilisme et
monopole de Bill Gates contre l'attitude de recherche et de
partage de Richard Stallman et Linus Torvald. Attention toutefois à ne pas tomber dans une vision manichéenne : de très grandes entreprises comme Sun Microsystems s'investissent dans le logiciel libre. Même Microsoft commence à s'y mettre...
Longtemps confiné à un milieu très réduit de « geeks », le logiciel
libre a pu sortir du bois avec la diffusion d’Internet. Ainsi Microsoft voit
arriver de nouveaux concurrents, organisés en réseau et qui essaient de diffuser
leurs outils, gratuits, généralement plus performants mais moins intuitifs, via le bouche à oreille. Ils portent le
combat sur tous les fronts : systèmes d’exploitations (Linux
contre Windows), logiciels de bureautiques (Openoffice contre Word), navigateurs (Firefox contre Internet Explorer). Dans une interview à
Programmez (le portail des développeurs), Richard Stallman résume ainsi son
message : « Je puis expliquer la base philosophique du logiciel libre
en trois mots : liberté, égalité, fraternité. Liberté, parce que les
utilisateurs sont libres. Égalité, parce qu'ils disposent tous des mêmes
libertés. Fraternité, parce que nous encourageons chacun à coopérer dans la
communauté ».
Autre point de vue cependant pour le créateur de Linux, Linus
Torvalds qui ne s'exprime pas sur la portée politique du principe
des logiciels libres et met plutôt en avant l'efficacité de la
coopération technique que le libre rend possible.
Guerre des égos et sociabilité au rabais
Les accros du web sont-ils tous pour autant adeptes de
partage et de solidarité ? Attention, à trop se pencher sur l’idéal
communautaire, on oublierait presque que rivalités et conflits d'ego persistent
sur la toile. Internet, c’est avant tout une addition d'individualités qui
s'expose. Des personnes qui n’ont pas forcément comme objectif de se mêler aux
autres. Chacun bien calé dans son fauteuil s'applique à faire son blog. A ce
titre, la multiplication des pages personnelles des adolescents, notamment par
le biais de la plateforme Skyblog, est-elle autre chose qu'une affirmation
égocentrique du moi, un journal intime d’adolescent exposé au vu et au su de
tous ? Comme l'explique Pascal Lardellier dans "Le pouce et la
souris. Enquête sur la culture numérique des ados", le jeune affirme
son identité, marque sa différenciation par le biais du blog, bien plus qu'il
ne s'y construit un réseau amical.
Pour Emery Doligé, "l'idéal communisant et
collectiviste de 68 " s'oppose donc à "un web de plus en plus
individualiste" où les réseaux sont "atomisés". Provocateur,
le blogueur estime qu’alors que " 68 rêvait de partouze, le web finit
tout seul dans son coin devant son écran ». Le "monde des
blogs" s'apparenterait ainsi à "une guerre des égos"
où chacun cherche à créer du « buzz » autour de lui afin de prouver
qu' "il en a une plus grosse que l'autre".
Le fantasme du "plus jamais seul" ne se
réalise pas toujours sur la toile. Bien sûr, il y a les optimistes. Pour Carlo Revelli d’Agora
Vox, « des gens sans vie sociale peuvent trouver une forme d’épanouissement
en écrivant sur AgoraVox. Certains rédacteurs allant même jusqu’à se rencontrer
pour créer des communautés dans la « vraie vie ». Mais attention, le blogueur ou le web-addict n'est pas un
être sociable. La tendance est plutôt à l’isolement. Une
inquiétude pour certains blogueurs comme Guy Birenbaum qui avoue ne pas aimer
les rassemblements de personnes.
ll s'inquiète d'ailleurs même de l'état de misère sociale dans lequel se trouvent certains acteurs de la blogosphère qualifiés d' "intellos précaires".
Plus grave, les « No life ». Passé dans le langage
courant, cette expression permet de décrire ces « geeks » ne
parvenant pas à décrocher de leur ordinateur et des jeux vidéos en réseau comme
World of Warcraft. Des jeux on line qui induisent un sentiment de toute puissance chez certains
adolescents. Profil type : l’adolescent ou adulescent (90% des joueurs
sont exclusivement masculins). Effet
d’insensibilisation à la violence et augmentation de la dopamine sous l’effet
de la tension, les jeux en réseau peuvent même être mortels. Un coréen de 28
ans s’est ainsi effondré foudroyé par une crise cardiaque alors qu’il jouait
depuis quelques dizaines d’heures sans parvenir à s’arrêter.
Le web est-il 68tard? Lisez l'épisode 3.
Sidonie Ebrevouma
bonjour, je suis tombé sur cette article tous a fait par hasard (je chercher des info sur Richard Stallman) mais j'ai tout de meme lut cette article jusqu'a la phrase :
"Plus grave, les « No life ». Passé dans le langage courant, cette expression permet de décrire ces « geeks »"
Je ne comprend pas comment malgré le soin apporté a l'article comment vous pouvez dire que les no-life sont une sorte de geeks !
le terme de no-life constitue les personnes accroc a internet, au jeux online donc avec un vie virtuel prépondérante.
Le geek quant a lui les plutôt passionné par l'ensemble des chose qui on un rapport avec l'informatique (un no-life se moque de l'open source , un geek non) le geek est généralement plus ouvert la lecture occupe souvent une place plus ou moins importante (H2G2 de Douglas Adams ou encore le seigneur des annaux, conan le barbar ...)
Enfin voila je souhaitais juste précisé ce point car beaucoup de monte ne fond pas la différence qui pourtant est de taille.
PS: je trouve votre définition du no-life un peu trop dure.
Rédigé par : nico | 25 avril 2008 à 02:28