MISE A JOUR: La cour administrative d'appel de Berlin vient de rendre sa décision: le changement de nom est légal. C'était la dernière possibilité pour le groupe Axel Springer d'empêcher que la Kochstraße soit renommée Rudi-Dutschke-Straße.
En Allemagne, le conflit sur l'héritage de 1968 peut se comprendre dans une seule rue.
Le rêve des héritiers de Rudi Dutschke (DPA)
Une rue de Berlin que des militants de gauche veulent voir porter un nouveau nom. Celui de Rudi Dutschke, le héros des mobilisations étudiantes des années 60.
Le 11 avril 1968, il se fait tirer dessus par un extrémiste de droite. Un événement qui met le feu aux poudres étudiantes. Dutschke ne mourra pourtant que 11 ans plus tard, dans une des terribles crises d'épilepsie qui l'agitaient depuis l'attentat.
Le 11 avril 1968, Rudi Dutschke se fait tirer dessus alors qu'il est en vélo. Des Berlinois commémorent cette date le 11 avril dernier(DPA)
Pour lui rendre hommage, le journal Tageszeitung, engagé à gauche, a entamé en 2003 une campagne
pour faire renommer la rue où se trouve sa rédaction. Seul petit problème: dans la même rue se trouvent aussi
les immeubles du groupe Axel Springer, le plus grand groupe de presse allemand. Il détient notamment le Bild, célèbre tabloïd allemand qui tire à plus de 3 millions d'exemplaires par jour. Un journal qui s'est toujours opposé à Rudi Dutschke, en critiquant avec virulence les agitations étudiantes d'alors.
Beaucoup de militants de gauche avaient même accusé le journal d'avoir poussé au meurtre et d'être au moins indirectement responsable de l'attentat.
En 2005, les animateurs de la campagne pour renommer la rue croyaient avoir gagné avec la décision de la mairie d'accéder à leur demande. Mais le groupe Axel-Springer a alors décidé de porter le conflit devant la justice allemande. Entre temps, un référendum local organisé à la demande de la CDU (droite allemande) a vu les supporteurs du changement de nom l'emporter. Mais la décision finale reste entre les mains de la justice.
Le jugement du tribunal administratif doit justement être rendu dans les prochaines semaines. Cette question de nom de rue devrait être alors définitivement tranchée.
Mais il est loin d'être sûr que cela suffise à régler le conflit de l'héritage des mouvements étudiants de 1968. Beaucoup ont vu en eux les précurseurs de la Fraction Armée Rouge (RAF) qui mena attentats, braquages et assassinats dans les année 1970 et 1980. Et ils jugent que Rudi Dutschke, en préconisant la lutte violente, portait dans son discours les germes de ces actes.
Les admirateurs jugent, eux, que Rudi Dutschke n'a jamais cautionné les actes de la bande à Baader.
Sa veuve, notamment, a toujours affirmé que son défunt mari ne soutenait pas la violence. Elle reconnaît juste son goût pour la
confrontation.
Les historiens eux-mêmes se déchirent. Ce débat montre en tout cas qu'en Allemagne le débat sur l'héritage de 1968 est inséparable de celui sur les années qui suivirent. Avec en ligne de mire une seule question: peut-on lier les années de plomb aux agitations étudiantes de 1968 ?
Heddi Rustuck
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