Cofondateur de la Ligue communiste révolutionnaire, Alain Krivine en demeure l'un des porte-paroles. 40 après les évènements de mai, il n'en démord pas : pour lui, un mouvement d'une telle ampleur est toujours possible aujourd'hui.
Ancien Pionnier, membre des Jeunesses Communistes, des Etudiants Communistes et du Parti Communiste, il se met petit à petit en rupture de ban des institutions "bureaucratiques" communistes : en effet, il soutient ouvertement les partisans du FLN (les "porteurs de valise") dans la guerre d'Algérie, et dénonce le stalinisme du PCF de l'époque. Il se tourne vers le trotskisme et crée en 1965, avec d'autres, la Jeunesse communiste révolutionnaire (JCR), une organisation très structurée de quelques centaines de militants bien formés.
En 1968, Alain Krivine n'est plus étudiant. Ancien secrétaire de la section "Sorbonne" de la JCR , il travaille, à 27 ans, comme secrétaire de rédaction à mi-temps dans une maison d'édition. Lorsque le mouvement social prend de l'ampleur, il retrouve ses camarades étudiants qui veulent "faire la révolution, renverser le capitalisme dans un esprit romantique guevariste".
Pour lui, cette place du rêve tient, encore à notre époque, une place primordiale dans l'esprit de lutte de l'extrême gauche.
Il considère que la formation intellectuelle des membres de la Ligue leur permet de comprendre que les évènements ne sont en aucun cas une révolution mais un mouvement social. Ils en organisent donc le service d'ordre et tentent d'amener à la jonction avec les ouvriers en grève. Mais ceux-ci, dominés par les appareils du PCF et de la CGT, ne sont pas dans une logique de prise du pouvoir et se méfient d'une extrême gauche estudiantine volontiers qualifiée de "petite bourgeoise". Les forces de gauche amèneront plus tard à "un enterrement par les urnes" de mai, en acceptant les élections législatives anticipées.
Alain Krivine considère ce moment comme un instant charnière, un passage témoin entre générations, entre la vieille classe ouvrière et les attentes de la "nouvelle classe ouvrière".
Malgré ce changement d'époque, le candidat aux présidentielles de 1969 (1%) et 1974 (0,37%), estime qu'un mouvement d'une telle ampleur est toujours une perspective réaliste dans un monde "barbare" et "écrasant de violence".
Toujours rouge, Alain Krivine tire à vue sur "les anciens combattants de 68" qui racontent leurs histoires. Lui préfère vivre l'anti-capitalisme au quotidien, sans se soucier de ceux qui ont quitté "l'école de la Ligue" pour "aller à la soupe du pouvoir dans les cabinets ministériels". La LCR, une école qui attire, dans le sillage d'Olivier Besancenot, toute une génération dont la politisation se fait de manière très différente de celle des soixante-huitards. Peut-être celle qui fera un "mai 68 qui réussisse", que Krivine appelle de ses vœux.
Le vieux leader se veut aussi très critique à l'égard de Nicolas Sarkozy, le "fossoyeur des classes populaires" qui ose mettre en cause l'héritage de mai : "une attaque idéologiquement révélatrice" du personnage.
Herwin Bere et Arthur Cembrese
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