Cofondateur de la Ligue communiste révolutionnaire (LCR) en 1965, Henri Weber est aujourd'hui député européen socialiste, proche de Laurent Fabius. Comme quoi, la révolution mène à tout.
En 1968, Henri Weber a 24 ans. Etudiant à la Sorbonne, il doit passer en mai l'agrégation de philosophie. Un concours qu'il ne réussira pas, et pour cause : il quitte la salle avant le début de l'examen, en compagnie de ses camarades.
Membre du Parti communiste, des Jeunesses communistes et l'Union des étudiants communistes de France, il est exclu de ces différents mouvements en 1965 parce qu'il est trotskiste : "On ne doutait de rien. On voulait remplacer les staliniens du parti, le vieux, le frelaté. On était convaincus qu'on allait les éjecter comme eux l'avaient fait avec la SFIO." Son credo : le retour aux sources, le marxisme-léninisme à la sauce trotskiste.
En 1968, Henri Weber et ses amis (parmi lesquels le toujours rouge Alain Krivine) croient qu'un retournement de tendance économique est proche, après la période faste des Trente Glorieuses. Ils attendent, non pas une révolution, mais un grand mouvement social promettant des "explosions généralisées de lutte", "comme en 1936".
Le groupe dont il est l'un des leaders pendant les événements de Mai comporte pusieurs centaines d'étudiants, "très actifs, aguerris, érudits en marxisme". Il monte un service d'ordre pour encadrer les manifestations, et ainsi les diriger sans avoir l'air de les commander.
Pour le romantique Henri Weber, en mai 68, "le brasier s'est enflammé parce que la plaine était sèche." 30 ans de croissance ont changé la structure économique de la France, mais les moeurs de la société n'ont pas évolué en même temps.
Combat contre la société gaullienne hier, Mai 68 est aujourd'hui la cible de la Sarkozie. Pas de quoi inquiéter Henri Weber. Pour lui, les attaques du Président de la République contre l'héritage soixante-huitard, "c'est du pipeau".
Désormais membre du PS, Henri Weber jette un regard critique sur la LCR d'aujourd'hui. Il dénonce son "archaïsme" et n'hésite pas à balancer sur son jeune héritier, Olivier Besancenot.
La rédemption social-démocrate d'Henri Weber a croisé le chemin de l'Union européenne, l'hydre bruxelloise du capitalisme néolibéral. Et alors ? Le fondateur n'y voit aucune contradiction, plutôt une continuité logique de son engagement. Alors l'Europe, soixante-huitarde ?
Lucide, Henri Weber reconnaît que Mai 68 a engendré des débordements et critique les moyens d'action directe. "La violence était communément admise à l'époque à l'extrême gauche, mais je la récuse aujourd'hui", raconte celui qui aimait piquer le képi des flics lors des manifestations étudiantes.
Mic Gaure d'Imaur et Herwin Bere
Un point de vue nuancé et assez lucide sur les événements de mai 68. On sent en écoutant Weber qu'au fond de son coeur la flamme rouge ne s'est jamais complètement éteinte. Sa raison a juste pris le pas sur la passion...
Rédigé par : Louis | 06 mars 2008 à 00:13