Martin Scorsese, Jim Jarmusch, Ken Loach, Stephen Frears, George Lucas... : autant de pointures révélées par la Quinzaine des Réalisateurs, sélection de films "parallèle" à la compétition officielle du Festival de Cannes. Véritable oasis dédiée à la liberté artistique et la poursuite de nouvelles formes de cinéma, la Quinzaine doit son existence à la Société des Réalisateurs de films créée en juin 1968, au lendemain des évènements de mai.
Coup de tonnerre dans le temple du cinéma mondial : la 21ème édition du Festival de Cannes, ouverte par la projection hors compétition d'Autant en emporte le vent, est interrompue le 19 mai 1968.
Solidaires des mouvements étudiants et ouvriers de la capitale, les réalisateurs français de la "Nouvelle Vague" (Jean-Luc Godard, Claude Lelouch, François Truffaut, Louis Malle, Roman Polanski) sèment la pagaille, prennent la tête de vifs débats et fustigent le conformisme d'un festival hermétique à la crise. En soutien, de jeunes cinéastes en compétition, dont Alain Resnais (Je t'aime, je t'aime), Milos Forman (Au feu les pompiers) et Carlos Saura (Peppermint Frappe) retirent chacun leur film de la sélection. Devenu une plateforme politique et médiatique, les organisateurs décident de fermer les portes du Festival.
Photo la-SRF.fr
Ni une, ni deux, ces artistes protestataires, avec notamment Jacques Rivette, Robert Bresson et Claude Berri, se regroupent dans la Société des Réalisateurs de films (SRF) en juin. Sa mission ? "Défendre les libertés artistiques, morales, professionnelles et économiques de la création et participer à l’élaboration et à l’évolution des structures de cinéma". En toile de fond, l'éviction de la direction de la Cinémathèque Française, quelques mois plus tôt, du très respecté Henri Langlois, par André Malraux, ministre de la culture sous de Gaulle.
Grâce à la SRF, Cannes 69 voit naître une nouvelle section parallèle, la bien-nommée Quinzaine des Réalisateurs, véritable contre-festival. Son créneau : permettre aux cinématographies contestataires de s'exprimer, aux antipodes de l'académisme de la compétition officielle.
Et c'est ainsi que Cannes découvrit, dès 1971, l'ovni de George Lucas, Thx 1138, film d'anticipation qui décrit un univers orwellien dans lequel les émotions et les désirs sexuels sont réprimés par une police sans visage.
Puis en 1974, le culte Mean Streets, de Martin Scorsese, avec Robert de Niro et Harvey Keitel, sur la vie de gangsters à la petite semaine.
24framespersecond.net
Et également, en 1976, le sulfureux et controversé Empire des sens, de Nagisa Oshima, considéré comme l'un des premiers films X de l'histoire du cinéma. Inutile d'espérer un extrait, interdit au moins de 18 ans...
cinemotions.com
Depuis, Cannes a su digérer la Quinzaine, en profitant même pour assouplir son mode de fonctionnement. En effet, la sélection des films présentés au jury est désormais du seul ressort du Festival, et non plus laissée au choix des pays participants comme auparavant. En 1978, la Caméra d'Or, récompensant un premier film, est créée pour encourager les jeunes réalisateurs. Bref, il est loin le temps où l'on programmait des grands classiques conformistes comme Autant en emporte le vent (sorti en 1939) en ouverture du Festival !
Petrie Yaienflat
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